« Il n’y a qu’une chose que les hommes préfèrent à la liberté, c’est l’esclavage » déplorait Dostoïevski. Nous croyons que nous ne combattons jamais que pour notre liberté, que nous ne saurions souffrir de la perdre ou endurer la soumission, or l’illusoire liberté consumériste, la domination masculine, l'influence grandissante des réseaux sociaux, l'utilisation des biais cognitifs à des fins commerciales, etc., sont autant de figures actuelles de notre servitude volontaire. Rechignant à assumer la responsabilité et l'angoisse inhérents aux libres choix, nous sommes bien trop souvent, non pas seulement les complices de notre soumission, mais nos propres bourreaux.
C’est ce qu’a magistralement décrit La Boétie dans son Discours sur la Servitude Volontaire nous mettant ainsi au défi d’affronter et de surmonter nos propres contradictions : « La seule liberté, les hommes la dédaignent, uniquement, ce me semble, parce que s’ils la désiraient, ils l’auraient : comme s’ils se refusaient à faire cette précieuse conquête, parce qu’elle est trop aisée. » Comment peut-on librement décider de ne plus l’être ? Pourquoi abdique-t-on de ce qui constitue pourtant le trait essentiel de notre humanité ?
Tel est le défi que nous aimerions relever ici en relisant attentivement son discours, afin d’identifier les ressorts à l’œuvre dans notre servitude volontaire, pour enfin pouvoir assumer le risque d’être libre en répondant à l’injonction de La Boétie : « Soyez résolus de ne plus servir et vous vouloir libres. »
Florence Gimbert
Proesseure agrégée de philosophie