Dans un ouvrage intitulé Les passions et les intérêts : justifications politiques du capitalisme avant son apogée, publié en 1977, Albert Hirschman affirme que le XVIIIe siècle a vu s’affirmer un nouveau « paradigme » qui s’inscrit en opposition aux logiques antagonistes entre les Etats en proposant un autre modèle de l’échange : celui du commerce. Le « doux commerce » dont la thèse la plus systématique serait à trouver dans l’Esprit des Lois de Montesquieu, viendrait remplacer le jus belli par un modèle de pacification des relations internationales. Le commerce serait alors présenté comme un levier universel d’adoucissement des mœurs. Mais cette thèse du « doux commerce » est compliquée à soutenir jusqu’au bout : le commerce colonial est-il vraiment doux ? Marx, dans le Capital, ironisait un siècle plus tard : « Une province de Java, Banjuwangi, comptait en 1750 plus de 80.000 habitants. En 1811, elle n'en avait plus que 8.000. Voilà le doux commerce ! ».
Il convient donc d’éprouver le discours sur le commerce, la colonisation et l’esclavage chez les auteurs du XVIIIe siècle, et en particulier dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert qui, grâce à son écriture plurielle et son intertextualité, propose une photographie particulière des ambivalences coloniales du XVIIIe siècle.
Naïs Sabatier
Professeure agrégée de philosophie
Doctorante au laboratoire du PHIER (UCA)